« Situation intenable », « montagne de difficultés », « Himalaya » à franchir…
Dans l’élaboration du budget, le premier acte est toujours le même : la dramatisation.
La première scène s’est jouée dans une conférence de presse à la mi-avril, la seconde dans une interview accordée le 3 mai au JDD (l’hebdomadaire contrôlé par Bolloré).
Après les méga économies de 2024 et de 2025, l’austérité XXL nous est à nouveau promise pour 2026 (1).
L’objectif reste toujours le même : « être moins dépendant de la dette dès cette année et, à l’horizon de quatre ans, revenir sous le seuil des 3 % de déficit public » (2).
Et le dogme ne change pas : « la solution n’est pas dans de nouveaux impôts ». Après les 80,2 milliards d’euros de 2022 et les 97,1 milliards de 2023, les actionnaires des quarante plus grands groupes français (Cac 40) ont encore encaissés près de cent milliards d’euros en 2024 (98,2 Mrds). Mais les monopoles et leurs dirigeants n’ont donc pas à s’inquiéter (3).
Reste donc la baisse des dépenses publiques. En enterrant définitivement le « quoi qu’il en coûte » des années covid et postcovid : « Les dépenses de crise encore existantes doivent désormais être éteintes » indique une circulaire du 3 avril envoyée à tous les ministères par la directrice du budget, Mélanie Joder. Chaque ministère devra par ailleurs « identifier et présenter un niveau ambitieux de diminution des effectifs ». Tous ne seront pas à la même enseigne : moins de profs, c’est sûr, mais certainement pas moins de policiers ou moins de gardiens de prison, moins de militaires ou moins d’agents du renseignement ! Les Darmanin, Retailleau, Lecornu… veillent au grain.
La Sécurité sociale et les collectivité locales figurent parmi les grandes cibles d’économies. Parmi les multiples « pistes » avancées, figure, entre autres, la suppression de l’abattement fiscal de 10 % (pour faire rentrer 4 milliards de recettes fiscales) et la désindexation des pensions de retraite sur l’inflation.
Bayrou veut une proposition budgétaire ficelée d’ici juillet. D’ici là, les tractations vont continuer. Le budget 2026 ne sera pas seulement la continuité des précédents. La classe ouvrière et les secteurs populaires devront continuer à payer la dette, mais va maintenant s’y ajouter la facture du « réarmement ».
De 50 milliards d’euros en 2025, le budget de la défense devait déjà monter à 67 milliards d’euros en 2030, selon la loi de programmation militaire. Selon la porte-parole du gouvernement, il faudrait encore « aller plus loin et plus vite ». Le ministre des armées vise un budget annuel « autour de 100 milliards d’euros ». Si cela doit se faire, comme le répète Macron, « sans que les impôts soient augmentés », on peut s’attendre à une nouvelle dégradation de l’accès aux soins, à l’éducation, au logement, à la culture…
C’est dans ce contexte que Bayrou vient de lancer l’idée du référendum : « C’est un plan d’ensemble que je veux soumettre, il demandera des efforts à tout le monde et, par l’ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas ».
Non seulement nous ne le soutiendrons pas, mais nous ferons tout pour le combattre : De l’argent pour les salaires, les pensions, l’Ecole, l’Hôpital, le logement, la culture… pas pour les actionnaires, pas pour les banques et les marchés financiers, pas pour la guerre ! ★
1. Le budget 2024 prévoyait 25 milliards d’euros d’économies, celui de 2025, 40 milliards. A ces ponctions figurant dans les lois de finance, s’ajoutent chaque année des économies supplémentaires décidées par des décrets qui gèlent ou annulent une partie des dépenses votées par le Parlement (à hauteur de 10 milliards en 2024 et de 12 milliards pour 2025).
2. L’objectif affiché par le gouvernement Bayrou est de ramener le déficit public autour de 4,6 % du produit intérieur brut en 2026, contre 5,8 % en 2024 et 5,4 % visés en 2025.
3. Après avoir promis en mars de ne pas reconduire les taxes exceptionnelles sur les grandes entreprises et sur les très hauts revenus intégrées au budget 2025, le ministre de l’Économie a, en avril, évoqué la possibilité de les pérenniser. Bernard Arnaud – qui avait menacé d’aller s’installer chez Trump – ne manquera sans doute pas de continuer son chantage : « cette contribution, dont la forme est en cours de discussion et de travail, ne devra en tout état de cause pas pénaliser l’outil de travail ni l’investissement dans notre économie » a rassuré E. Lombard.