Parmi « les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » que cette proposition de loi entend lever figurent la réintroduction de l’usage d’un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2021, mais aussi diverses autres mesures pour assouplir les normes d’installation des mégafermes (poulaillers et porcheries de plusieursmilliers de bêtes), favoriser laconstruction de mégabassines, affaiblir les marges de manœuvre de l’Office français de la biodiversité (l’OFB,qui assure des missions de « police de l’environnement ») ou réduire l’indépendance de l’agence nationale chargée d’évaluer et d’autoriser la mise sur le marché des pesticides (Anses).
Qualifié d’écocide par les associationsde défense de l’environnement, ce projet de loi est également dénoncé par de nombreux paysans dont il ne représente en aucun cas les intérêts.
Particulièrement nocif pour les pollinisateurs, cet insecticide, « tueur d’abeilles », touche aussi les oiseaux et les vers de terre et met donc en péril tout l’écosystème.
Il présente également de graves dangers pour la santé humaine. L’exposition aux néonicotinoïdes peut, en effet, provoquer des problèmes de neurodéveloppement chez le fœtus, des cancers du foie, de la thyroïde et des testicules chez l’adulte, ainsi que des maladies rénales chroniques.
Les betteraviers et les producteurs de noisettes exigent son retour pour lutter contre la « concurrence déloyale » des autres pays d’Europe où l’interdiction de l’acétamipride a été repoussée à 2033. Ils mettent en avant les ravages – bien réels – provoqués par les insectes sur certaines cultures particulièrement sensibles. La réponse ne peut pourtant pas être cette fuite en avant dans les traitements chimiques. Alors que l’agriculture intensive accentue les déséquilibres écologiques et contraint à un recours toujours plus poussé aux engrais et aux pesticides, les apprentis sorciers de l’agrobusiness prétendent pouvoir trouver la réponse dans de nouvelles technologies commeles robots pollinisateurs (1).
Cette proposition de loi votée en première lecture au Sénat est inspirée debout en bout par la FNSEA. Toujours à la tête d’une exploitation laitière enHaute-Loire, son rapporteur, LaurentDuplomb, sénateur LR, a été président des Jeunes Agriculteurs, dans ce département ; il a été à un moment ou un autre dirigeant deplusieurs sociétés ou groupements fonciers (Candia, Société de diffusion internationale agro-alimentaire…)
Après son adoption par le Sénat enjanvier dernier, la FNSEA a manœuvré pour accélérer le calendrier de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Le 26 mai, coupant cour tà toute discussion, la grande majorité des macronistes, de la droite et de l’extrême droite, ont voté immédiatement une motion de rejet. Ce rejet volontaire d’une proposition de loi qu’ils approuvent est une manœuvre grossière : il coupe court à tout débat et musèle les opposants (LFI,Ecologistes), et permet de renvoyer le texte en commission mixte paritaire (7 sénateurs et 7 députés), où ses partisans sont majoritaires et de soumettre ensuite au vote une version proche de celle votée au Sénat, sans possibilité d’amendement.
La Confédération paysanne a pris position contre une loi qui « ne bénéficiera qu’à une poignée de très gros agriculteurs » Elle la dénonce comme une menace contre l’agriculture paysanne, « celle qui relocalise, respecte les sols et tente de préserver les ressources en eau » ! Calquée sur les intérêts immédiats de l’agrobusiness, la « loi Duplomb » est dangereuse tant pour l’environnement que pour la santé des paysans et des consommateurs et doit être combattue comme telle. ★
1. Diverses universités et une société israélienne (Arugga) affirment qu’ils pourront remplacer les abeilles !